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Stalag XII D
STALAG XII D
Sartre au Pétrisberg
Je ne vous ferai l'affront de vous présenter Jean Paul Sartre.

Le site :
http://www.petrisberg.de/petrisberg-nouveau/projet-de-reconversion-du-petrisberg/ indique :

"Le prisonnier le plus célèbre du camp de prisonniers de guerre STALAG XII D, est sans aucun doute l'écrivain et philosophe français Jean Paul Sartre, membre de la Résistance française. Il a été emprisonné sur le Petrisberg dans la période de juillet 1940 à mars 1941. Dans le "Journal de Matthieu", il décrit les conditions relativement humaines du camp de prisonniers de Trèves".
En outre, c’est à Trèves qu’il écrit sa première pièce de théâtre "Bariona ou le fils du tonnerre".
(A noter que le lien ci dessus "ne fonctionne" plus. Sans doute un remaniement de leur site...)


JP Sartre "y était" !
Vous trouverez facilement cette image sur le net...


Allez voir sur Google earth !

Sartre a laissé ses traces.
Normal pour un homme "public" mondialement connu. Je pense toutefois qu'il aurait préféré s'effacer et céder sa place à ceux qui ne sont pas revenus. Sans philosopher comme lui (je peux prétendre sans fausse modestie que je n'arrive pas au millième de sa cheville), nous dirons qu'il a apporté sa pierre à l'édifice avec d'autres écrivains et homme politiques passés par la même expérience.
Une expérience de la barbarie nazie révélée par de nombreux écrits, pour que la mémoire perdure. L'oubli en sera d'autant retardé. Mais pour combien de temps ?

Un autre écrivain, un peu moins connu que Sartre mais célèbre, a partagé sa captivité. C'est Jean louis Boileau (Boileau-Narcejac). Un site indique :

"En relisant la bibliographie de Boileau-Narcejac, établie par Francis Lacassin, je lis : Au stalag XII D, Boileau ne se livre à aucune activité littéraire [...] En parlant avec un de ses compagnons de captivité, Jean-Paul Sartre, il découvre qu'ils ont eu les mêmes lectures d'enfant. Ils les évoquent souvent avec joie : les journaux illustrés “L'Epatant” et “L'Intrépide”, le roman de José Moselli : Le Roi des Boxeurs... !"

Sartre parle de conditions "relativement humaines", oui, sans doute, mais en juin 1941, il y eu l'invasion de la Russie (opération Barbarossa).
Nous ne détaillerons pas les horreurs de ces campagnes, siège de Stalingrad, de Leningrad et autre qui ont dû donner des velléités non catholiques aux Panzergrenadiers lorsqu'ils faisaient prisonniers les moujiks lancés à leur encontre par Staline.

Puis en novembre 1942, l'invasion de la zone "libre" lorsque les Américains ont débarqué en Afrique du Nord. Les conditions se sont, à n'en pas douter, certainement durcies au lu des récits post 1941… (onglet récits de prisonniers).




Opération Barbarossa



Ligne de démarcation
(invasion de la zone "libre" en novembre 1942)

La recherche sur la toile de l'œuvre de Sartre concernant son incarcération ne se fait pas aisément. Il aurait englobé le journal de Mathieu, journal qui décrit son internement, dans son œuvre l'être et le néant… ? Marius Perrin a écrit un livre (voir "capture d'écran" ci après) intitulé : Avec Sartre au stalag XII D aux éditions JP Delarge.
Le livre de Marius Perrin décrit très peu les conditions d'internement. Il se borne essentiellement aux relations entre lui et Jean Paul Sartre et la création de la pièce de théâtre : Bariona ou le fils du tonnerre.


Cliquez sur l'image pour agrandir

Marius Perrin, évadé en mars 1941, n'a pas connu l'arrivée des Russes. Les conditions n'étaient pas encore "trop dures"...

 

Bariona ou le fils du tonnerre ! Première pièce de théâtre de Sartre écrite pour Noël 1940 "au XII D" et pour un Jésuite ! Un paradoxe ! Un site internet indique :

"Fait prisonnier, Paul Feller, jésuite, est interné au camp de Trêves où il se lie d'amitié avec Jean-Paul Sartre, qui écrira, pour lui, une pièce de théâtre, une Nativité : « Bariona, ou le Fils du tonnerre » ; le soir de Noël 1940, Paul Feller jouera le rôle de Bariona, le chef des juifs dressés contre les Romains. Sartre, lui, joue le personnage du roi mage noir, Balthazar.
Inattendu, ce rapprochement de Jean-Paul Sartre et de Paul Feller ? Il s'explique tout simplement par leur rencontre au Stalag XII de Trèves, en 1940. De nombreux prêtres s'y trouvaient rassemblés, et Sartre avait formé avec le jésuite et un cuisinier belge un curieux trio qui se retrouvait dans un coin de la baraque où Paul logeait ses pots de peinture (il s'était attribué, en entrant au camp, la profession de "peintre en lettres" !). C'est sur un bout de table que Sartre rédigea cette pièce, « pour réaliser le soir de Noël l'union la plus large des chrétiens et des incroyants. » Il avait repéré le tempérament d'acteur de Paul, et posé comme condition qu'il tiendrait le rôle de Bariona.

Bariona est un chef de village qui, au temps de la naissance de Jésus, désespère devant les exigences de l'occupant romain, et veut la mort de sa communauté. Arrive l'annonce de la naissance d'un Sauveur. Il y voit une tromperie. Méditant de tuer l'enfant, il vient à Bethléem, et le regard de Joseph le retourne. Apprenant l'intention d'Hérode, il facilite la fuite en Egypte, et affronte les gardes du roi, rendant l'espoir possible.

C'est le premier essai théâtral de Sartre. Il ne semble pas avoir été donné en public (sinon en scolasticat), mais il figure dans l'édition de la Pléiade.

Le "bout" de manuscrit qui "parle" de Sartre, et du stalag (Journal de Mathieu) semble une chimère... Ce journal dans lequel Sartre aurait décrit ses conditions de détention, est "invisible" sur la toile. En effet, lorsque le moteur de recherches Google est lancé sur "le journal de Mathieu de Jean Paul Sartre", "rien ne vient en retour"…
Avec persévérance, j'ai pu trouver sur le site :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/litt_0047-4800_1990_num_80_4_2547

Un article qui parle des "pérégrinations" de ce journal (copies d'écran qui suivent).

Auparavant, permettez-moi de préciser "ma pensée".

Mathieu, personnage fictif qui dépeindrait son auteur (d'après ce que j'en déduis) est présent dans la trilogie des chemins de la liberté : L'âge de raison, Le sursis, La mort dans l'âme. Ces trois romans, parcourus par mes soins ("pas peu dire" car le second, le sursis, est d'une complexité ingénieuse et l'expression sauter du coq à l'âne exprime d'une manière très timide le "foin" que Sartre se plait à dépeindre, "foin" dans lequel se retrouve notre glorieux pays dans les années 1938-1940), relateraient "la vie de Sartre" (guillemets pour signifier son égo) juste avant la seconde guerre mondiale et le début de celle-ci. L'auteur ferait "mourir" Mathieu à la fin de la première partie du troisième volet (La mort dans l'âme), du moins je le suppose au vu du narratif… Une espèce de "sabordage". Sartre aurait t'il voulu se "suicider" à cause de multiples choses qu'il regrettait ? Les quelques phrases de la fin de cette première partie le laisse supposer. Je retranscris :

"Pinette ! cria Mathieu.
Personne ne répondit. L'effondrement du toit obstruait toute la partie nord de la plateforme ; les gravats et les poutres bouchaient la trappe ; une barre de fer pendait du plafond béant ; Mathieu était seul.

-Nom de Dieu, dit-il à voix haute, il ne sera pas dit que nous n'aurons pas tenu quinze minutes.
Il s'approcha du parapet et se mit à tirer debout. C'était une énorme revanche ; chaque coup de feu le vengeait d'un ancien scrupule. Un coup sur Lola que je n'ai pas osé voler, un coup sur Marcelle que j'aurais dû plaquer, un coup sur Odette que je n'ai pas voulu baiser. Celui-ci pour les livres que je n'ai pas osé écrire, celui là pour les voyages que je me suis refusé, cet autre sur tous les types, en bloc que j'avais envie de détester et que j'ai essayé de comprendre.
Il tirait, les lois volaient en l'air, tu aimeras ton prochain comme toi-même, pan dans cette gueule de con, tu ne tueras point, pan sur le faux jeton d'en face. Il tirait sur l'homme, sur la Vertu, sur le Monde : la Liberté c'est la Terreur ; le feu brûlait dans la mairie, brûlait dans sa tête : les balles sifflaient, libre comme l'air, le monde sautera, moi avec, il tira, il regarda sa montre : quatorze minutes trente secondes ; il n'avait plus rien à demander sauf un délai d'une demi minute, juste le temps de tirer sur le bel officier si fier qui courait vers l'église ; il tira sur le bel officier, sur toute la Beauté de la Terre, sur la rue, sur les fleurs, sur les jardins, sur tout ce qu'il avait aimé. La Beauté fit un plongeon obscène et Mathieu tira encore. Il tira : il était pur, il était tout puissant, il était libre.
Quinze minutes.

Rien à rajouter. Si ce n'est que les copies d'écran ci après précisent que la narration abandonne Mathieu pour mort sur le clocher de l'église (supposons que cela soit celui de Padoux dans les Vosges où Sartre a été fait prisonnier) et l'engagement de Mathieu à la tête d'un réseau d'évasion du camp…
Compulsez bien ces copies d'écran !
Vous y trouverez des termes comme "journal reconstitué", "on ne trouve d'indication concernant ce journal de Mathieu", "il se peut que Sartre ait modifié son scénario", "journal romanesque à fort référent autobiographique".
Romanesque, sans doute et en lisant jusqu'au bout, on s'aperçoit que c'est un témoignage collectif dont Mathieu se fait le scribe sous la plume de Sartre. Mais, quid de ce journal et des conditions de détention ???





En fouillant bien, j'ai pu récupérer sur la toile des archives militaires qui "décrivent" un tant soit peu ce que fut le XII D. J'aurais pu les inclure dans le préambule, je n'ai pas voulu le "surcharger". Sartre ne m'en voudra pas de le faire après lui, lui qui a chaque jour noté sur des feuilles sans marges et rayées à l'allemande tout ce qui lui venait à l'esprit et qui de près ou de loin touchait à leur condition.
Ce ne sont que des copies d'écran qu'il a fallu travailler, vous pensez bien que la "grande muette" ne vous livre pas ses secrets facilement.
Vous pardonnerez la piètre qualité.