Accueil

Sommaire

Récits
Stalag XII D
Récits de prisonniers
Victor Sacré

Mémoires de Victor Sacré soldat Belge (et un aperçu de l'entraînement des futurs SS)

Le site élaboré par son arrière petit fils Mehdy :

http://lejeunefabre.canalblog.com/archives/memoires_de_victor_sacre/p40-0.html

" Deux prisonniers apportent des sacs à paille pour la nuit et une sentinelle fait évacuer la salle. Le chef du kommando nous dit alors "vous partirez demain vers 10 heures pour le stalag XII D à Trèves si le soldat qui doit vous accompagner est arrivé. " Il nous souhaite la bonne nuit en spécifiant : "pas de bêtises vous n'iriez pas loin." Et il nous laisse seul.

Mercredi 12 août 1942

La nuit a été bonne, réveil à 6 heures. Peu après, l'homme de confiance nous apporte du café et du pain. Nous le remercions de son bon accueil, et il s'en va au travail, les autres prisonniers nous font signe par la fenêtre.

9h - Un soldat allemand entre au kommando, c'est notre guide et à 10h nous partons. La gare n'est pas loin, le train arrive peu après et nous avons le privilège d'avoir un compartiment pour nous seuls. Deux changements de train et sur le quai, en attendant, nous sommes l'objet de la curiosité des autres voyageurs. Nous entendons des réflexions pas souvent amicales "aviateurs américains ! Espions! " Un voyageur veut même nous frapper avec sa canne, mais notre sentinelle s'interpose et ne permet à personne de s'approcher de nous. Au deuxième arrêt, la sentinelle a la gentillesse de nous conduire au local de la "Croix Rouge" de la gare ou nous recevons un grand bol de soupe et du pain. Durant le voyage nous essayons d'entamer une conversation avec la sentinelle, mais elle répond directement "je ne peux pas vous parler ; donc laissez-moi tranquille, c'est clair et net ! "

17h - Nous arrivons en gare de Trèves (Trier), c'est ensuite la montée vers le stalag, la sentinelle connaît la région et après une demi-heure nous y sommes. Nous entrons dans le camp, on nous conduit dans un bureau et un nouvel interrogatoire commence, mais il sera court. "Nom, Nationalité ! Camp d'immatriculation ! kommando d'où nous nous sommes évadés, date et où nous avons étés repris ! C'est tout ! Une sentinelle vient nous chercher et nous emmène vers une baraque grillagée. Nous croisons un prisonnier qui nous demande "évadés ?" "Oui" - "Ne parlez pas trop dans le cachot car il y a souvent des mouchards placés par les Allemands !" - "Merci du conseil !" A l'entrée on nous enlève nos bagages et nous pénétrons dans la cellule d'attente. C'est une place assez spacieuse avec des bas flancs en bois qui garnissent le mur du fond. Mais il y a déjà des occupants. Ils sont trois, on leur dit bonjour, ils répondent : "salut ! Encore des évadés ? Français ? " - "Oui ! Belges ! Vous n'êtes pas des mouchards ? " - "Non ! On nous a mis en garde aussi. Ou avez-vous été repris ? " - " A Bastogne et vous ? " - "En gare de Metz !" Le troisième s'approche de nous, il est tout noir et habillé comme les ramoneurs que nous avons vus en Saxe. Il nous dit "j'ai été repris ce matin à Trèves, je viens de Hambourg à vélo avec du matériel de ramoneur. Je n'ai jamais été arrêté sauf ici où un bête sherpo a trouvé que j'étais différent des ramoneurs de la région. " Nous parlons d'un peu de tout, de nos kommandos, des évadés mais nous entendons du bruit et la porte s'ouvre.

Que voyions-nous entrer ? Une femme ! Mais une femme avec une barbe de plusieurs jours et une robe plus sale que déchirée. Malgré son air piteux, nous ne pouvons nous empêcher de rire, surtout que le ramoneur la salue "bonjour, jolie dame, nous sommes bien heureux de vous avoir avec nous". La femme a barbe nous regarde puis d'une voix qui n'a rien de féminine "vous pouvez rigoler, il y a de quoi, vous êtes des prisonniers évadés ?’’ - "Oui mais hélas repris" ! La femme se mit alors à rire "eh bien je suis content d'être tombé sur des collègues, mais je me souviendrai de mon voyage en soit disant liberté" ! Il nous raconte alors son odyssée : "je suis parti avec un copain d'un kommando de ferme du XIII C pas loin de Nüremberg, à vélo. Tout a bien marché jusque Francfort, je me rasais et me maquillais tous les jours. Mon copain s'est fait arrêter par un policier alors que nous traversions un village ; j'ai fait semblant de rien, j'ai continué et l'ai attendu un peu plus loin. Il n'est pas revenu et je suis reparti seul. Comble de malchance, c'est lui qui transportait nos objets de toilette : rasoir, savon, etc... Moi j'avais les provisions et les cartes. J'ai continué à rouler quatre jours mais sans pouvoir me raser d'où le résultat que vous voyez. Sur une route de campagne pas loin de la frontière française, je suis tombé dans la boue à cause d'un troupeau de vache qui sortait d'une ferme. J'étais à moitié assommé! Le fermier et un autre homme se sont empressés de me relever, mais quand ils ont vu ma barbe, ils ont évidemment réalisé que je n'étais pas une femme ordinaire et m'ont conduit à la police où j'ai eu un succès formidable et où j'ai dû avouer que j'étais un prisonnier évadé. Voilà ma triste histoire" ! Et sur ce, nous décidons de nous allonger sur notre lit de planches. Nous nous posons tous la question "de quoi demain sera-t-il fait" ?

Jeudi 13 août 1942 7h

On nous apporte le soi-disant café, un morceau de pain et une cuillère de confiture que l'on dépose sur le pain. Nous sommes occupés à manger quand paraissent un soldat allemand et un sous-officier, c'est un interprète. Il nous dit "Soyez prêts dans cinq minutes". Il remarque le malheureux prisonnier-femme, l'examine, éclate de rire et "mes respects, mademoiselle, il me semble que vos amis vous ont bien fait souffrir" ! Le pauvre, il ne répond pas et hausse les épaules. Nous sortons de notre prison, on nous rend nos bagages mais à part le linge, tout a été enlevé. Adieu biscuits ! Adieu tabac ! Nous sommes dirigés vers la baraque voisine où des prisonniers sont occupés. L'un d'eux crie à ses amis "encore des zouaves" ! Large pantalon rouge, boléro bleu clair et nous devons abandonner nos souliers pour des clapettes avec semelle de bois. Nous nous déshabillons et endossons nos nouveaux vêtements. Eh voilà ! Nous sommes devenus des zouaves ! Nous passons alors dans la place à côté qui est un lavoir et où nous espérons pouvoir nous laver. Mais la séance n'est pas finie, un prisonnier entre avec une chaise et une petite trousse. Il nous dit "salut les gars, je suis le coiffeur" Je prends place le premier, le coiffeur ne possède qu'une tondeuse comme outil et il se met au travail. Dix minutes plus tard, nous sommes quatre tondus bien ras et nous pouvons alors aller nous débarbouiller.

La sentinelle vient nous chercher peu après, nous traversons le camp pour arriver devant un enclos entouré d'un grillage et de barbelés. Dans cet enclos, deux baraques, une grande comme celle du camp, c'est la baraque 9, l'autre est plus petite de moitié. La sentinelle intérieure ouvre le grillage et nous fait entrer dans l'enclos. Deux zouaves sortent de la baraque 9 et nous crient : salut les copains, vive les évadés" ! Nous n'avons pas le temps de répondre car on nous pousse dans la petite baraque.

L'interprète allemand arrive en même temps et nous dit : en attendant les renseignements sur vos évasions, vous vous reposerez six jours au cachot ! Bon amusement" ! Et il s'en va. On nous enlève encore nos sacs et on nous laisse seulement un essuie-mains. Nous prenons possessions de notre logement pas très grand, plus ou moins cinq mètres sur quatre, des bas flans à trois étages garnissent un côté de la pièce, deux petites fenêtres bien grillagées donnent un peu de lumière et une petite pièce sur le côté sert de lavoir et de latrines. Il va être midi et nous espérons que la soupe ne nous oubliera pas.

12h15 - Elle est là ! La sentinelle et deux prisonniers du camp qui portent la nourriture. On nous distribue d'abord des boîtes de conserve vides mais nettoyées. Ce sera nos bols ! On y verse la soupe assez claire et ensuite nous recevons chacun un morceau de pain pas très gros sur lequel on dépose un morceau de margarine. Pas de couteau ni de cuillère. J'en fait la remarque au prisonnier qui me répond "c'est défendu aux évadés" ! J’essaie par la sentinelle mais sans plus de succès ‘’ Verboden (défendu) ‘’. Rien à faire ! Quand ils sont partis, nous buvons la soupe et mangeons un peu de pain car nous n’aurons plus rien avant demain matin. Nous nous installons sur nos couchettes en bois et le temps s'écoule en discussions sur la captivité évidemment.

18h - Nous entendons un remue-ménage et par la fenêtre nous voyons une vingtaine de zouaves qui rentrent dans la baraque 9. Sans doute ont-ils été avertis de notre présence. Cinq minutes plus tard un zouave en sort, il attend que la sentinelle qui se promène se soit éloignée et court vers notre prison. "Salut les gars ! Je vous apporterai quelque chose tantôt ! Il y a moyen d'ouvrir une fenêtre" ! Il se cache ensuite et quand la sentinelle est repassée, il retourne en vitesse à sa baraque. Nous essayons immédiatement d'ouvrir une fenêtre, mais rien à faire. Robert essaie l'autre et chance, il y parvient.

19h - Le même zouave réapparaît. Il attend encore que la sentinelle s'écarte et accourt vers nous. Il nous passe des pommes de terre cuites, une boîte de sardines et quatre cigarettes. Nous le remercions vivement mais il nous crie "à demain" et il s'en va. Nous partageons les victuailles, chacun trois patates que nous mangeons en partie avec la boîte de sardines et comme dessert, nous dégustons les cigarettes. Robert et moi les écrasons dans nos pipes que nous n'avions pas abandonnées. Notre moral a fait un bon formidable en avant et nous sommes heureux de notre sort d'évadés. Nous serons ravitaillés de la même façon les autres jours et nous arrivons au 16 août sans trop souffrir.

Dimanche 16 août 1942 18h

Nous recevons la visite de l'interprète qui nous informe que l'on nous fait grâce des deux derniers jours et que nous allons rejoindre les autres zouaves dans la baraque 9. C'est une agréable surprise et nous le remercions (sans rire). Nous sortons de notre prison et tous les évadés sont là pour nous recevoir. L'un d'eux, le chef de la baraque, s'avance, vient nous serrer la main et nous dit "bienvenus parmi les zouaves! Nous sommes très heureux de vous accueillir. Français ! Belges" ! Je réponds "Deux Français et deux Belges" ! - "Content d'avoir deux Belges car vous êtes les seuls pour 24 français" !

Nous entrons dans la baraque et on nous conduit à notre place. Nous prenons place sur des lits en bois, sans paillasse, comme Le chef de baraque vient nous retrouver "Voilà, demain vous descendrez avec nous au boulot. Nous déchargerons des wagons de marchandises à la gare de Trèves. Nous sommes encadrés par cinq sentinelles, donc pas de bêtises, car elles ne demanderaient pas mieux que de pouvoir nous tirer dessus. Voici des cordes pour fixer le bas de vos pantalons ! Ce n'est pas pour être plus beau, mais c'est surtout pour pouvoir y mettre tout ce qui peut vous être utile, surtout pour manger. C'est cela qui nous a permis d'adoucir vos jours de cachots. Ici, c'est une communauté, donc tout ce que l'on rapporte est partagé entre tous. D'accord ?" Nous lui répondons "entièrement, nous sommes heureux d'être des zouaves et encore merci pour tout ce que vous avez fait pour nous". - "C'était tout naturel ! Parlez-vous l'allemand ?" "Robert le parle couramment et moi passablement bien" ! - "Tant mieux, ça nous facilitera les rapports avec le personnel de la gare. Je vais vous donner une gamelle et un couvert et vous viendrez essayer une paire de bottines à semelle de bois. Maintenant, passez dans la grande chambre, nous nous réunissons tous les soirs pour parler entre nous, surtout d'évasions futures. Ca ne sert pas à grand chose pour le moment mais ça nous tient le moral en forme.

Un peu avant 22h, la lumière s'éteint et se rallume deux fois. On crie "au lit" et tout le monde se dépêche pour se coucher.

22h - C'est l'extinction complète des lumières à part la petite veilleuse qui se trouve au-dessus de la porte du lavoir.

Lundi 17 août 1942 8h

On nous fait sortir encadrés par six sentinelles et nous descendons vers la gare de Trèves. Ces sentinelles proviennent de la caserne qui se trouve contre le camp de prisonniers. Tous les jours nous voyons les occupants qui partent en marche, ils sont une bonne centaine. A peine démarré, ils doivent chanter, mais c'est toujours la même chanson. " wir fharen gegen engeland " (nous marchons pour vaincre l'Angleterre). L'air nous est bien vite connu et il me vient à l'idée de la chanter en français et en modifier les paroles. Voici notre chanson : " Vous n'irez pas en Angleterre Les Anglais viendront chez vous ! Vous avez cru gagner la guerre Vous l'avez perdue devant Moscou ! Tous vos chars d'assaut étaient si beaux ! Mais maintenant il y a des trous dedans Des petits, des grands ! Vos avions sont tous descendus Vous êtes foutus Vous l'avez dans le cul !" Le chant est accepté par tous les zouaves.

Descendant vers la gare de Trèves, nous demandons aux sentinelles l'autorisation de chanter sur l'air de la marche des allemands et c'est de suite accepté. Nos sentinelles sont un peu éberluées, quand ils nous entendent, ils nous applaudissent même, heureusement, ils ne comprennent pas le français. Des civils s'arrêtent même sur la route étonnés aussi de notre chanson et surtout de son air. Nous déchargeons des wagons et transportons les marchandises dans un entrepôt, toutes sortes de produits s'y trouvent et quand l'un d'entre eux nous intéresse, une partie disparaît dans notre pantalon à provisions. Il y a de tout ; surtout des pommes de terre, des boîtes de conserves de légumes, du savon, parfois du pain et même une fois du tabac en feuille, ce qui fait l'affaire des fumeurs de pipe. Le soir, dès notre retour à la baraque, nous partageons équitablement entre nous et nous faisons ce travail jusqu'au 25 août. Le nombre des zouaves est monté à 36, malheureusement toujours deux seuls Belges dans le groupe.

Mardi 25 août 1942

Catastrophe ! Sur la route, un officier allemand nous écoute chanter puis vient enguirlander les sentinelles. Celles-ci répondent qu'elles ne comprennent pas le français. L'officier se retourne alors vers nous et en bon français, il nous interdit de chanter et il finit en disant : "Nous irons en Angleterre". Le soir, l'interprète du camp vient nous avertir que nous quittons le XII D le lendemain. Serait-ce suite à l'événement du matin ?

Mercredi 26 août 1942 8h

Des sentinelles entrent dans l'enclos accompagnées de l'interprète, lequel nous crie "rassemblement pour le départ". Nous lui demandons notre destination, il nous répond gentiment "ça ne vous intéresse pas". Nos bagages sont prêts et nous quittons notre baraque 9. On nous conduit au local d'habillement. Nous devons abandonner nos tenues de zouaves et on nous distribue des tenues de soldats français comme les autres prisonniers du camp mais avec un grand "KG" (Kriegsgefangene - prisonniers de guerre) peint dans le dos. Nous conservons nos sandales avec semelles de bois comme chaussures.

10h - Bien encadrés, nous descendons vers la gare où on nous fait embarquer dans un wagon de marchandises dont les portes sont de suite verrouillées. Le train démarre peu après. Où allons-nous ? Vers midi, arrêt dans une grande gare, et voyons par la lucarne que nous sommes à Limburg. Un prisonnier dit "alors nous allons sûrement au Stalag XII A en attendant le départ vers Rawaruska !

La porte du wagon s'ouvre, on nous dit de descendre et en route. Effectivement, après avoir marché environ une demi-heure, nous parvenons à l'entrée du camp, c'est le Stalag XII A comme prévu. Nous sommes dirigés vers deux baraques isolées, nous allons avoir le plaisir d'être désinfectés, déshabillage complet, nos vêtements sont accrochés à un grand crochet avec un numéro par titulaire. Ensuite, douche générale pour être bien propres et pour terminer, nous passons chez le coiffeur pour être à nouveau bien tondus. Enfin la nourriture arrive et c'est tout nus que nous dégustons notre souper sous un beau soleil. Fin de l'après-midi, nous récupérons nos vêtements et quand le groupe est prêt, nous entrons dans le camp. Malheureusement, nous n'allons pas avec les occupants mais bien dans un enclos clôturé comme au XII D et voici notre nouveau logement, c'est la baraque 7 des évadés. Il y a déjà une trentaine d'occupants et dont deux belges, ce qui fait que nous sommes quatre belges pour une soixantaine d'évadés. C'est vraiment peu ! Nous faisons connaissance avec les anciens dont deux sont des boxeurs professionnels français "Casobon et Lebel"…

Dans la narration, on ne peut nier une certaine forme d'humour de la part de Victor Sacré. Nombreuses tentatives d'évasion. Le site fait par Medhy Sacré, sans doute son arrière petit fils, rapporte toute son histoire. Longue à lire. Par petits articles… Combien de fois ai-je cliqué sur "article suivant" ou "lire la suite". Dommage que l'on ne nous mette pas à disposition un fichier complet (pdf), à moins que je ne l'aie déniché.

Bien que ce qui suit concerne peu le XII D, il m'a paru opportun d'inclure l'aperçu que Victor a observé de l'entrainement des futurs SS. De quoi désespérer de l'espèce humaine…

Jeudi 27 août 1942 7h

La baraque est vidée et nous devons tourner en rond dans la plaine sous l’œil attentif des quatre sentinelles. Nous ne tournons pas longtemps, une sentinelle et un interprète viennent chercher par groupe les anciens zouaves pour aller subir un nouvel interrogatoire. Notre tour arrive bientôt et nous entrons dans la "chambre aux aveux spontanés". L'interprète "nom ? stalag ? kommando ? " " Strubbe et Sacré, Belges, IX C - kommando 1500 Chocoladen Fabrick Mauxion - Saalfeld". - "profession et grade ? - "militaire de carrière, adjudant chef (il paraît qu'ils sont mieux traités)". L'interprète nous dit qu'il a reçu des nouvelles de Mauxion à notre sujet : "court circuit dans l'usine, vol de vélos, vêtements, vivres !" Il se tourne vers l'officier allemand et lui lit le rapport, l'officier allemand répond "8 jours" ! Voilà, dit l'interprète pour votre récompense vous avez "8 jours de cachot" ! Je lui dis que nous avons déjà fait 6 jours à Trèves. Il nous répond "si vous étiez civils vous en auriez pris pour 3 mois" ! L'interprète fait signe à la sentinelle et nous sortons. Nous sommes directement conduits vers les cachots, mais nous avons droit à une cellule pour nous deux. "C'est quand même mieux ainsi" dit Robert ! Nous sommes enfermés jusqu'au 10 septembre. Ce ne serait pas trop dur s'il n'y avait les puces ! Moi j'ai la chance de ne pas trop les sentir mais pour Robert c'est différent car il est plus sensible et se gratte sans arrêt. Par la fenêtre de notre cellule nous assistons à l'arrivée d'une centaine de prisonniers russes. Ils passent aussi à la désinfection mais doivent rester nus dans la cour jusqu'à ce que leurs vêtements reviennent. Ceux-ci ne reviendront que le lendemain matin et c'est évidemment la bagarre entre les prisonniers russes pour récupérer leurs affaires. C'est à coups de bâtons que les soldats allemands les séparent et beaucoup restent étendus sur le sol. Eux, ils sauront vraiment ce qu'est la captivité.

Vendredi 11 septembre 1942

Nous rejoignons la baraque 7. Le programme du premier jour est encore de rigueur : à 7h évacuation de la baraque et promenade forcée sur la plaine. On rentre pour dîner : des feuilles de betteraves cuites et quatre pommes de terre en chemises. Le partage est étroitement surveillé car nous n'avons que cela et les pommes de terre ne sont pas grosses. L'après-midi, vers 14h retour à la plaine jusque 17h et on nous laisse rentrer. On nous distribue alors la nourriture du souper et du déjeuner du lendemain, soit un morceau de pain d'environ 3cm d'épaisseur, un dé de margarine et un morceau de saucisson de 7 ou 8 cm. Nous ne deviendrons pas obèses ! Heureusement, nous avons le bonheur de recevoir chacun une dizaine de biscuits français, don de l'homme de confiance français du camp.

Dimanche 13

J'en ai marre de tourner en rond et j'en fais part à Robert et à mes voisins. Je propose de faire un peu de culture physique ; ils sont directement d'accord mais que vont dire les sentinelles ? Nous sommes six à quitter la ronde et au milieu de la plaine, alignement et on commence à faire des mouvements d'assouplissement. Une sentinelle vient vers nous "Et alors que faites-vous ?" Robert "Nous faisons un peu de gymnastique, c'est mieux que de toujours marcher pour rien, est-ce interdit ? " La sentinelle réfléchit puis répond "après tout vous avez peut-être raison ! J'en parlerai à notre feldwebel» ! Elle s'en va nous laissant continuer. Nous reprenons nos mouvements mais nous avions été remarqués et peu après une dizaine de candidats sportifs viennent nous rejoindre dont les deux boxeurs. Ils nous demandent "le chleuh n'a rien dit ?" - "Il est d'accord dit Robert, je lui ai dit que Victor était professeur d'éducation physique et de sport à l'armée ! Voulez-vous vous joindre à nous ?" "Bien sur ! Nous ne demandons pas mieux»! Robert dit "allez Vic mais pas trop dur, nous sommes rouillés" ! Pour la première leçon nous ne faisons que de légers mouvements pour que nos muscles retrouvent leur élasticité. La séance dure jusqu'au dîner avec de nombreux repos évidemment et je dois avouer que je me sens mieux : c'est d'ailleurs l'avis de tous les participants. L'après-midi une promenade comme d'habitude ! Le lendemain matin à la sortie de la baraque une sentinelle vient nous chercher et dit "maître, le feldwebel est là" ! Je dis à Robert de venir avec moi pour bien comprendre et nous avons l'accord de faire de la gymnastique mais le matin seulement et même d'organiser des épreuves sportives les mardis, jeudis et dimanches après-midi. Le nombre de prisonniers évadés continue d'augmenter et nous sommes maintenant près d'une centaine d'occupants de la baraque 7.

Dimanche 20 septembre 1942

J'ai la joyeuse surprise de recevoir un colis et une photo de mon petit Willy avec mon épouse. Il a traîné en route IX C - XII D - XII A et il est un peu démoli. Les jours se passent sans trop de difficultés. On parle à nouveau d'un départ probable vers Rawaruska. Samedi 26 septembre 1942 Un incident va bouleverser notre train-train quotidien.

17h - Nous venons d'entrer dans la baraque quand nous entendons des cris furieux à proximité. Nous sortons en vitesse et nous voyons un groupe d'évadés contre la clôture qui injurient les soldats allemands qui passent devant notre baraque. Mais suite à leurs cris "vendus, vas te faire casser la gueule", nous regardons de plus près et je vois sur la manche de ces soi-disant soldats allemands l'insigne de la légion des volontaires français (LVF). Nous apprendrons par la suite qu'ils étaient venus au camp pour rendre visite à des prisonniers de leur connaissance et recruter de nouveaux membres. Les marques d'hostilité seront de courte durée, des soldats allemands arrivent au galop et à coup de crosse nous font réintégrer notre baraque.

Dimanche 27 septembre 1942

Les sentinelles de la promenade journalière sont accompagnées d'un interprète et d'autres sentinelles arrivent bientôt. Quand nous sommes rassemblés sur la plaine, l'interprète déclare que notre attitude de la veille vis à vis des légionnaires français est une "honte pour les défenseurs de l'Europe"(on s'en fou) et que nous serons punis. Nous serons privés de dîner et nous devrons rester debout toute la journée, à deux pas l'un de l'autre ; pas question de s'asseoir, les gardiens y veilleront. Je remarque que les sentinelles venues en dernier lieu portent des cravaches. La journée commence debout comme des piquets. Les premières heures se passent debout sans trop de difficulté, mais vers midi des prisonniers essaient de s'accroupir et même de s'asseoir, pas pour longtemps, les cravaches claquent et ils doivent se relever en vitesse. Dans l'après-midi, nous recevons la visite d'un officier allemand et de l'interprète. Celui-ci nous répète encore que notre attitude a été outrageante pour le commandant du camp et qu'on va choisir 25 d'entre-nous pour être envoyés dans un kommando disciplinaire. Il a avec lui la liste des occupants de la baraque. L'officier allemand passe dans les files pour désigner les élus. Sans doute n'ai-je pas une tête qui lui revient car je suis le premier à être inscrit sur la liste noire, les deux boxeurs ont la même chance, Robert échappe au tirage au sort ; il aurait préféré venir avec moi ; moi aussi, surtout que je suis le seul belge. Les 25 candidats sont enfin désignés et on nous fait mettre à part. L'interprète nous avertit "demain on viendra vous chercher à 7h." L'officier estime sans doute que la plaisanterie a assez duré et nous pouvons rentrer dans la baraque, l'estomac dans les talons. Heureusement qu'il y a la distribution de biscuits pour calmer notre faim.

Lundi 28 septembre 1942 7h

L'interprète est là ! il crie les noms des 25 élus, quatre sentinelles nous escortent et à la sortie du camp deux camions nous attendent. Nous y montons et en route ! Peu de temps après nous arrivons devant l'entrée d'un camp. Mais c'est un camp militaire !

Nous verrons bientôt que ce camp est une "Ecole de formation des candidats S.S." (kommando disciplinaire 900 du stalag XII A). Je suis le seul à parler passablement l'allemand et donc désigné comme le chef du groupe. Je suis même dispensé de travail continu du fait de mes fonctions d'interprète. Nous sommes sous les ordres d'un S.S., un feldwebel S.S., il n'a pas l'air trop vache ! Il me dit en substance "Je ne demande pas un travail de forçat, mais que les équipes ne restent pas à rien faire, car il y a des mauvais yeux qui vous épient surtout que vous êtes renseignés comme étant des évadés". "De plus, ne vous écartez surtout pas de votre chantier, car vous seriez immédiatement abattus ! C'est clair et net".

Tout se passe bien et sans forcer, tout le groupe travaille. A midi, on nous rassemble à proximité des cuisines du camp autour d'une grande table sur tréteaux. Un soldat nous apporte un lot de cuillères et des bassins dans lesquels il y a une soupe assez épaisse, on y voit même des morceaux de viande. Mais pas de bol ni gamelle ! Je dis aux copains "Que personne ne mange, je vais voir le chef ! Nous ne sommes pas des cochons ‘’! Justement le feldwebel parlait avec un lieutenant SS. Je me lève et m'avance vers eux, malgré les cris du groupe "n'y vas pas tu vas te faire punir" ! Je me mets en position et m'adresse au lieutenant "Excusez-moi monsieur, vous savez que nous sommes des prisonniers de guerre évadés, mais nous sommes restés des hommes et nous voudrions manger comme des hommes. N'y aurait-il pas possibilité d'avoir des bols, même des boites de conserves vides pour répartir notre nourriture" ? L'officier S.S. me regarde un moment sans répondre puis "je devrais vous punir pour votre audace, mais je vous félicite d'avoir osé. C'est notre devise à nous S.S. de faire ce que les autres n'osent pas! Vous allez recevoir des gamelles, mais si vous êtes des hommes pour manger, je veux que vous soyez des hommes pour travailler." "Evidemment, monsieur le lieutenant !" - "ça va! Allez rejoindre vos camarades !" Je le remercie et vais me rasseoir. Je transmets la bonne nouvelle aux autres qui n'en reviennent pas de mon culot et surtout du résultat. Le lieutenant S.S. donne l'ordre et un cuistot nous apporte une gamelle pour chacun ainsi qu'une louche. La soupe est distribuée et nous la mangeons de bon appétit car elle est très bonne, meilleure qu'au stalag. L'après-midi nous creusons un fossé le long du chemin.

17h - On vient nous chercher et nous rentrons au stalag. Le lendemain nous retournons au camp S.S. et nous recommençons le même travail sans forcer. A midi, tout se passe bien, il y a des gamelles pour tout le monde et la soupe est toujours aussi bonne.

De notre lieu de travail nous assistons au dressage des candidats SS. C'est vraiment un dressage ! Tout se fait à coup de cravache que ce soit pour apprendre aux nouveaux à saluer, pour les exercices de combat, ou pour courir et plonger en progressant sur la plaine. De plus, nous entendons les hurlements continus des instructeurs et des futurs combattants avant qu'ils simulent une attaque. Quelle différence avec notre service militaire pour nous belges! Ce n'est pas étonnant qu'ils soient complètement abrutis lorsqu'ils quittent le camp d'instruction pour rejoindre le front.

Après quelques jours de terrassement, le feldwebel nous conduit vers une autre partie du camp pour y planter des poteaux. Il trace les emplacements et nous fait creuser. Je trouve que les trous sont inadaptés, car pendant la mobilisation, à la citadelle de Namur avec ma section, j'ai assisté et aidé les gens du génie à placer des poteaux. Mais ici, comme on n'a rien à dire, on fait ce que l'on nous dit ! Un trou est terminé ! Le feldwebel veut y faire entrer le poteau, mais nous frôlons la catastrophe. Le poteau mal maintenu à sa base tombe et blesse deux de mes compagnons, heureusement sans gravité. Comme il faut les soigner, j'en fait part au feldwebel qui me dit qu'ils vont être conduits à l'infirmerie.

Sur ces entrefaites, le lieutenant S.S. apparaît et demande au feldwebel "un accident ?" - "Oui dit-il, ils ne font pas fort attention" ! Le lieutenant S.S. m'appelle "que se passe-t-il ?" - "Monsieur le lieutenant je n'ai jamais vu planter de poteaux de cette façon, c'est une méthode dangereuse et de plus vos poteaux ne seront jamais alignés. Si le travail n'avance pas ce ne sera pas de notre faute !" - "vous savez faire mieux?" - "évidemment" ! Le lieutenant S.S. regarde sa montre, il va être 16h, il appelle un soldat et fait conduire les deux blessés à l'infirmerie puis il me dit " vous dirigeriez les travaux tout seul" ? - "Je ne demande pas mieux, que l'on me montre le plan d'installation" ! Le feldwebel va chercher le plan dans sa serviette et le donne au lieutenant SS. Celui-ci me demande "vous savez lire un plan" ? - "Certainement mais j'aurais besoin de matériel : une longue ficelle, deux petites haches, une grosse corde de plus ou moins 10m, un décamètre et du bois pour faire une dizaine de piquets de 50cm". Le lieutenant avertit le feldwebel "tout ce matériel doit être ici demain matin ! Je viendrai voir après-demain". Le lieutenant s'adresse à moi "en attendant vos camarades, vous pouvez vous reposer" ! Et il s'en va. En rentrant au stalag, j'en fais part à Robert qui est tout heureux de m'accompagner ainsi que le ramoneur de Trèves.

Le lendemain matin, à notre arrivée sur le chantier, le feldwebel me montre le matériel que j'avais demandé. Tout est là ! Il me dit "c'est maintenant vous le chef" ! Moi, je le regarde étonné ! "J'espère que vous n'êtes pas fâché sur moi" ? - "Non dit-il, j'aime mieux ça, moi je n'y connais rien»! Maintenant au travail ! Robert et le ramoneur préparent des petits piquets ; je fais l'alignement suivant le plan, je trace l'emplacement des poteaux, je forme les équipes et les trous sont creusés comme au Génie. Sans forcer et à notre aise. Six trous sont finis le soir sur une distance de plus de 200m. Le jour suivant, je profite d'une charrette à bras pour transporter les poteaux à proximité du lieu de leur emplacement. J'appointe les pieds afin qu'ils glissent mieux dans les trous, je contrôle chaque trou et corrige si nécessaire.

Comme il l'avait annoncé, le lieutenant S.S. arrive. Il va parler avec le feldwebel puis m'appelle "comment ça marche-t-il ?»? - "Bien monsieur le lieutenant, nous allons placer les poteaux". - "Je veux voir ça" ! Je fais placer un poteau face au premier trou, j'attache la corde et je la passe à quatre costauds. Ils ont pour mission de tirer dès que le poteau glisse dans son trou. Tout se passe comme je l'avais prévu. A midi, six poteaux sont plantés et calés sans encombre. Le lieutenant parait surpris, avec le feldwebel, il contrôle le bon alignement des poteaux puis m'appelle "rien à redire ! C'est parfait ! Vous continuerez seul pour le reste, le feldwebel sera toujours là au cas où vous auriez besoin de matériel". Et il disparaît. Au repas de midi, les gamelles sont là, la soupe est toujours aussi bonne et nous recevons trois paquets de cigarettes. Ca devient un bon commando.

Nous continuons ce travail les autres jours et nous sommes dans la partie du camp ou se fait l'instruction des futurs officiers SS. Nous les voyons manœuvrer comme les élèves S.S. mais ils sont encore plus durement traités. Nous assistons de loin à une séance horrible d'examens. Chaque élève doit dégoupiller une grenade (allemande) et la poser en équilibre sur son casque où elle explose peu après. Les premiers réussissent sans difficulté, mais nous en voyons qui posent probablement mal la grenade sur leur casque, elle tombe, l'élève la rattrape mais elle lui explose dans les mains et lui emporte la tête. C'est affreux à voir ! Des soldats emportent le corps inerte et la séance recommence. Le suivant n'est pas plus heureux et subit le même sort. Vont-ils s'arrêter ? Non ! Le cadavre est enlevé et un autre élève prend sa place. Celui-ci aura plus de chance ainsi que les quelques suivants. Ce n'est vraiment plus étonnant qu'ils aient un caractère aussi inhumain après de telles épreuves"...

Rien à rajouter... Mais continuons le récit de Victor...

Victor Sacré ne doit pas être passé par Rawaruska (inutile de présenter ce camp !), mais a séjourné dans une mine près d'Aspang en Autriche. De là, il tente sa troisième évasion le lundi 28 décembre 1942. Sans succès !

"Quatre policiers nous entourent et nous parlent en hongrois, ce que nous ne comprenons évidemment pas. Nous devons les suivre jusqu'à un véhicule qui nous ramène à Gyor et on nous fait rentrer dans un bâtiment, sans doute le commissariat, puis dans un bureau où se trouvent quatre policiers dont deux allemands. D'où venez-vous" ? Je réponds "de la carrière de kaolin d'Aspang en Autriche". Le second policier dit "je croyais que là-bas c'était des prisonniers russes" ! - "c'est nous qui les avons remplacés". Et il poursuit "c'était vraiment un kommando d'extermination, il y mourait en moyenne un à trois russes par semaine" ! - "Nous n'y étions pas mieux ! C'est pour cela que nous nous sommes évadés, nous avons 16 camarades évacués vers le stalag XVII A de Kaisersteinbruck en quinze jours". Le policier ajoute "les russes ne retournaient pas au stalag ; s'ils étaient malades et incapables de travailler, on les laissait crever comme des chiens. C'était horrible. ! A ce moment, c'était un sous officier et cinq S.S. qui étaient comme gardiens, de vrais fous" ! Je lui réponds que ce sont toujours les mêmes. Il nous dit "vous ne serez donc pas plus mal ici ! Demain, vous serez conduit à Wiener-Neustadt".

Medhy Sacré, dans sa table des matières, précise :

Ch 1.  L’armée avant 1940, Ch 2.  La Guerre, Ch 3.  La captivité, Ch 4.  Ma première évasion (Aout 42), Ch 5.  Ma deuxième évasion (oct. 42), Ch 6.  Ma troisième évasion (Jan 43), Ch 7.  Ma quatrième évasion (Jun 43), Ch 8.  Ma cinquième évasion (Oct 43), Ch 9.  Ma sixième évasion (Avr 45 ), Ch 10.  La libération et le retour.

Persévérant Victor ! Six tentatives d'évasion ! Dénote de la volonté de liberté, de fuir les conditions barbares de ces camps. Il mérite que, comme pour Acquistapace et Jean Louis Morvan, l'on insère son portrait.

De la chance ? Victor a-t-il eu de la chance dans sa détention ? Difficile à dire, car la mine d'Aspang, d'après le récit précédent n'a rien à envier à Rawaruka camp de concentration…

 Une pensée de W. Churchill trouvée sur internet :

"Le camp de Rawa-Ruska, "camp de la goutte d'eau et de la mort lente", comme le désigna Churchill à la radio de Londres, se trouvait près de Lwow (Lemberg), aux confins de l'Ukraine.

A partir d'avril 1942, il reçut des prisonniers de guerre français et belges récidivistes de l'évasion et du sabotage, et, de toutes façons, irrécupérables pour "l'ordre nouveau".

Les conditions y étaient déplorables : un seul poste distribuait à tout le camp une eau polluée que, faute de gamelle, les détenus devaient boire dans leurs sabots : la ration de pain, en mai 1942, était d'une miche pour 35 hommes..."

Inutile d'en "rajouter".