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Kobarid
ou Caporetto
A la gloire de mon père |
A la
gloire de mon père...
La gloire
de mon père. Je n'ai pas résisté
à emprunter à
Pagnol le titre de cette page web. Normal en tant que
Méditerranéen !
Mon
père. Un Italien, émigré en France
à
l'âge de 24 ans, dans les années trente. Il a donc
accompli son service militaire dans son pays d'origine. Et puisque nous
sommes dans le "volet" militaire, je n'ai pas voulu l'oublier.
J'insère ici quelques anecdotes le concernant. Perso,
pourquoi ai-je
effectué ma conscription en France... ou plutôt en
Allemagne
? A l'époque c'était la loi du sang. Mon
père a
voulu éviter des complications et m'a naturalisé
Français alors que je n'avais pas deux ans. De nos jours,
c'est
la loi du sol. Allez comprendre l'espèce humaine...
A vingt
ans, en 1926, mon père fut appelé sous les
drapeaux.
Incorporé
au 9ème régiment de chasseurs Alpins sous le
matricule
6644 (62) commandé par
le colonel F. Pisoni. Il était en
" occupation " en
Yougoslavie à Tolmin près de la
frontière
Autrichienne. Tolmin est éloigné de 14 km de
Kobarid, sud
est, même vallée. Les Austro Allemands
avaient perdu la guerre... Yougoslavie ? Et oui, ce n'était
pas encore la Slovénie.
Caporale
Maggiore (caporal chef) à la fin de son temps, il fut
démobilisé le deux septembre 1927. Durant le
temps passé sous les drapeaux, il
servit avec fidélité et honneur, sa "feuille de
congés" en témoigne.
Il se retira dans la commune de Rivolto, le maire contresigna cet
original.
Lorsque
j’étais petit, il me racontait parfois quelques
aventures
de ce
temps là. Lorsqu’ils montaient les canons
à dos
d’âne sur des pentes abruptes, et qu’ils
dégringolaient sur les fesses ces mêmes pentes
enneigées et
verglacées.
Les images
qui suivent le prouvent ! Ne stressez
pas, je vous traduis les paroles de la célèbre
chanson
"dei Alpini", que vous pourrez écouter sur Youtube !!!
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Avant de
parler de la chanson, reparlons un peu de Caporetto.
Sanglante
bataille de 1917. Je n'ai pas l'envie de développer, de vous
raconter
tous ces jeunes de vingt ans qui y ont laissé leur
peau.
J'ai, ou plutôt nous, avec mon père et ma femme,
visité dans les années soixante dix le
cimetière
de Rédipuglia. Près de Trieste. Les morts se
comptent par
dizaines de milliers. Le poète Italien Gabrielle d'Annunzio
s'illustra, comme il s'illustra également à la
victoire,
cette fois ci, de Vittorio Veneto en 1918.
En novembre 1917, les Italiens effectuèrent une retraite en franchissant le Tagliamento après la bataille de Caporetto (photo en provenance du site Wikipedia). Je peux dire que mon père m'en a souvent parlé de ce fleuve. Bigre, il passe à seulement dix kilomètres d'où il est né !
Le pont a sauté pour proteger la retraite !
Cimetière de Rédipuglia. Wikipedia indique :
Le cimetière militaire de Redipuglia est le plus grand cimetière militaire italien et l'un des plus grands au monde. Érigé sur le territoire de la commune de Fogliano Redipuglia dans la province de Gorizia (Friuli-Venezia Giulia), région ethnico-culturelle de la Bisiacaria (it), sur un projet de l'architecte Giovanni Greppi et du sculpteur Giannino Castiglioni (it), il fut inauguré le 13 septembre 1938. Il conserve les corps de plus de 100 000 morts tombés lors de la Grande Guerre.
![]() Le cimetière après la grande guerre |
![]() ![]() Fronton |
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Les Alpini (traduction image au
dessus du fronton).
A nous soldats du Carso ( haut plateau rocheux
calcaire des Alpes dinariques qui s'étend au nord-est de
l'Italie, donc ou a eu lieu la bataille)
Gloire, dormons ensemble (à côté),
Aux purs héros des montagnes,
Nos frères Alpini.
Et voilà pourquoi, mon père fût en occupation à Tolmin tout près de Kobarid...
Heureusement il y avait les copains (comme pour moi en Allemagne...). Deux groupes de chasseurs en promenade...
![]() |
![]() |
La chanson des chasseurs Alpins Italiens (les connaisseurs de la langue de Léonardo Da Vinci apprécieront) :
Ci après, un lien qui vous dirige sur un site où nous trouvons la plupart des chansons sur "I Alpini" (textes, chansons, vidéos qui nous "ramènent" à Youtube)
http://www.anadomodossola.it/musica/testi%20canzoni/Testi%20Canzoni%20Alpini.htm
Lien "direct" Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=YDEUo6TDUwk
L'originale : http://www.youtube.com/watch?v=EHoXs6axnlMEgalement
connue sous le nom de plume noire (ou "plume sur le chapeau"). C'est
une chanson particulièrement réputée
qui dès le premier verset décrit l'une des
caractéristiques distinctives du corps des chasseurs Alpins
(Italiens), ou la
classique plume noire positionnée sur le chapeau.
Les Paroles
de la chanson s'entonne ainsi :
Sur le chapeau que nous portons il y a une longue plume noire
qui nous sert
de drapeau sur les montagnes à guerroyer.
Oilalà.
Sur les montagnes où nous serons, nous cueillerons les
edelweiss (étoile des
alpes) pour les donner aux demoiselles, pour les faire pleurer et
soupirer.
Oilalà.
Sur les montagnes où nous serons, nous "planterons"
(installerons)
le camp, toast au régiment, vive le corps des chasseurs
Alpins
Oilalà.
Sur les montagnes où nous serons, nous "planterons"
(installerons)
le drapeau, Oh Trentino (région d'Italie) de mon
cœur nous te viendrons te
liberer
Oilalà.
Et vive, vive le régiment, et vive vive le corps des
chasseurs Alpins
La partie finale de la chanson, fait la louange du Corps des Chasseurs
Alpins.
Le texte original en provenance du site ci dessus :
Cliquer sur l'image pour l'agrandir !
Avant dernière anecdote : Hiver 1917.
Une
histoire que mon père m'avait raconté quand
j'étais gosse. Je ne l'ai pas oubliée.
On n'oublie
pas "sa" permière cigarette...
Il
venait juste d’avoir onze ans. La
faim lui
tenaillait le ventre. Il arpentait le chemin de campagne qui
était
perpendiculaire à la route principale du village. Il sortit
de sa poche un mégot de cigarette trouvé
sur l’asphalte de la rue principale, près du bar,
jeté sans doute par les
soldats Allemands. Eux
avaient les moyens et pouvaient fumer à volonté.
C’était
l’occupation par les Austro Allemands, le village se terrait. Deux mois
déjà
que la terrible bataille de Caporetto avait eu lieu. Tragique
défaite
Italienne.
Il
tira
quelques bouffées, récupéra dans ses
poumons toutes les toxines et, avant d’aller manger, utilisa
un
subterfuge pour
éviter qu’il ne sente le tabac. En somme,
c'était
une chance que ses compatriotes avaient reculé jusque sur
les
rives du Piave. Sans cela, il n'aurait pu goûter à
ce
nouveau plaisir de la cigarette.
![]() Rue
pincipale de Lonca di Codroipo où mon père est
né.
Depuis le début du 20ème, les maisons n'ont pas changé. |
![]() La maison
où mon père est né
![]() La route
de gauche va vers Passariano et celle de droite vers Rivolto
|
Dernière anecdote : Tolmin (Yougoslavie). 1976.
En
voyage dans le pays d'origine de mon père (Province d'Udine,
Italie), nous décidâmes d'aller visiter avec lui,
la ville
qui a vu sa conscription. Un peu plus d'une cinquantaine de
kilomètres. Frontière Yougoslave à
l'époque. Fouille obligatoire du coffre de la voiture. On
n'entre pas dans un pays communiste "à volonté".
Très
rapidement il a reconnu
l'entrée de la caserne.
Quelques photos de ci de là.
Il nous a
"libéré" après une heure de palabres
(on leur a
laissé l'appareil
photo !).
Dernière anecdote ?
Ma
progéniture voudrait que j'en raconte encore
quelques unes sur leur papy !
Puisque nous sommes dans un volet militaire, j'en rajouterai deux. La
seconde
s'avère quelque peu dramatique, effroyable,
épouvantable. Vous lui attribuerez
le qualificatif que vous voudrez.
Commençons par la première...
Mon père a connu l'école jusqu'à la
fin du primaire.
Ensuite le travail l'a rattrapé. La libération
venue (1927), il ne tarda pas à
s'apercevoir que rester en Italie, où Bénito
Mussolini, le Duce, avait pris le
pouvoir absolu en 1925, devenait difficile.
Il fallait manger, s'integrer au pays, devenir un bon citoyen, tout
cela posait
problème. Alors il décida de laisser ses
frères et soeurs et d'émigrer.
Lorsque mon père débarque en France en 1930, il
met
pied à terre dans la région de Foix, en
Ariège. Il n'y est resté qu'un an. Puis
il vînt à Toulon.
En 1936, il fut convoqué au consulat Italien de Toulon. On
lui ordonna
de retourner en Italie car il était mobilisable (guerre
d'Espagne où les
Italiens et Allemands prêtèrent main forte
à Franco). Mon père répondit
qu’il
n’avait aucune intention d’aller combattre un pays
ami de celui qui l’avait
accueilli (L'Espagne était républicaine
à ce moment là).
"Sarete fuscillato nella schiena" lui a
ton crié (vous serez fusillé dans le dos) comme
les déserteurs.... "Oui,
dans la mesure où vous me prenez", et il est parti. Autant
dire qu’on ne
l'a pas rattrapé. Lui, au contraire aurait nettement
préféré s'engager
volontaire dans les brigades internationales (comme certains
de ses amis)
pour prêter main forte aux républicains (retenez
ce passage).
Pendant la guerre de 39-45, mon père a vécu entre
Toulon et
A
Résistance ? Immigrés sur le sol
Français ? Deux pas
restent à franchir pour parler de FTP-MOI (Francs
Tireurs Partisans, Main
d'Oeuvre Immigrée).
Je
m'arrête là, car mon père ne m'a jamais
parlé de
cette période . Laissons donc place à
l'imagination...
Dernière…
Santo.
Moro Santo,
frère de
Giovanni. Je ne l’ai jamais connu, et pour cause.
Né en 1916, il est mort à la
guerre d’Espagne en 1936. Engagé dans
l’armée Italienne non par désir
d’être
militaire mais parce qu’il avait faim.
C’était le seul moyen qu’il avait
trouvé
de gagner son pécule. A l'époque remplir la
gamelle n'était pas une sinécure. Que
peut-on faire à vingt ans ? Même aujourd'hui j'en connais qui s'engagent
pour éviter le pôle emploi !
Il est mort, d’après
ce que l’on raconte, en portant secours à un autre
soldat blessé, très peu de
temps après avoir débarqué. Un jour ?
Deux jours ? Où a t-il été
enterré ? Nul ne le sait, dans la mesure
où il a été enterré. Une
vielle
photo en noir et blanc traîne dans une boîte en
carton qui sert de rangement.
Je vous l'insère sur ce site…
Si les FTP-MOI laissent
notre imagination vagabonder dans la précédente
anecdote, dans celle-ci c'est également
la même chose. Imaginons que mon père se soit
engagé dans les brigades Internationales
? Vous devinez ? Oui ? Non ? Dois-je mettre les points sur les I ? Ils
se seraient
entretués… Des cas semblables il y en a une
foultitude sur terre. Sans doute
dans toutes les familles, comme par exemple
celle de ma femme. La guerre 39-45
laisse toujours des séquelles… "Pauvre
espèce humaine"…