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Ecrits
Les Rues De Ma Jeunesse
Toulon, mes années cinquante
Premiers souvenirs...

J’ai dû attendre un certain âge pour que mes souvenirs restent figés dans ma mémoire. Avant, ce ne sont que des "flashs", des images imprimées dans mon cerveau.

La poussette où ma mère me trimbalait lorsque j’avais deux ans en est une. Une poussette avec des pare chocs chromés qui devait peser son poids de ferraille. De nos jours elles ont été allégées et n’ont rien à voir avec le "design" de l’époque (voir icône "écrits" ci dessus). C’était le "baby boum".

Dans les années cinquante, à Toulon, les autorités ont rapidement déblayé tout ce qui rappelait la dernière guerre. Je me souviens très vaguement des tramways et des rails qui les guidaient. Ils ont été remplacés par des trolleys bus tractés à l’énergie électrique, reliés par de longues "branches" aux fils suspendus qui suivaient la route. Ces fils étaient la plupart du temps accrochés aux façades des maisons. Parfois les branches "sautaient" et le bus stoppait sa course. Le conducteur descendait en maugréant pour les raccrocher.
Ces trolleys étaient de couleur jaune avec des banquettes marron, de confort sommaire. L’été Ils nous amenaient à la plage du Mourillon. On "montait" au port marchand près du stade Mayol, stade très connu où l’on pratique le rugby. Il doit son nom au chanteur Mayol qui, avant la guerre, poussait la chansonnette et en fut le mécène.

Les trolleys des années soixante. A droite, arrivée au terminus du Mourillon (rond point actuel de l'entrée des parkings)

De ma prime enfance, je n’ai guère de souvenirs. Quelques uns néanmoins que je voudrais éviter d'éluder.
Par exemple celui du kiosque à musique, place d’Armes, où le dimanche nous allions écouter l’orchestre municipal.... Loin dans ma mémoire...





Le kiosque à musique de la place d'Armes a disparu dans les années cinquante. Tout comme le tramway (ici au carrefour de l'avenue Joseph Gasquet, et du Colonel Picot en fin du boulevard Maréchal Joffre). L'on aperçoit au fond sur la gauche le pont de chemin de fer modifié depuis. La route sur la droite, mène à La Garde

La maternelle.
Ma mère venait me chercher le soir et lorsqu’elle était un peu en retard, des larmes de peur commençaient à couler le long de mes joues. Elle me consolait de son mieux, mais j’avais de la rancœur.

Où est-elle ma maternelle ? Enfouie sous des tonnes de béton. La rue Dutasta, le quartier Besagne, si réputé pour son école de rugby et son stade, a profondément changé. Un centre commercial a emporté tous mes souvenirs.
Une cour avec de gros platanes, exit les platanes ! Des classes rez de chaussée sans étages, avec de grandes baies vitrées à l’ancienne. Exit la maternelle ! Exit la classe où pour terminer un dessin avant d’aller en récréation, j’avais craché dans le godet de peinture parce que je n’avais plus d’eau pour tremper mon pinceau.
Oui, exit mes souvenirs. Ils ont été balayés par la spéculation des promoteurs qui n’ont pas hésité à tout démolir pour construire ce qu’ils appellent le centre Mayol !

Si Mayol pouvait revenir............

Me tenant par la main, ma mère me ramenait à la maison. Le chemin n’était pas long. Nous traversions le cours Lafayette, passions devant la cathédrale où à l’angle de la rue Ferdinand Brunetière se trouvait un magasin de fournitures électriques. "Toutélectric". Un jour, elle m’enveloppa de son bras me disant de ne pas regarder. Que se passait t-il ? J’ai eu l’audace de jeter un œil à travers les doigts gantés qui m’enserraient et j’ai vu au milieu d’un attroupement un homme étendu à terre. Des caillots de sang coulaient dans le caniveau. Un échafaudage accolé le long d’une façade m’a renseigné sur l’évènement entrain de se dérouler. Certainement l'ouvrier était tombé. Je n’ai jamais su s’il avait pu "s’en sortir".

"Toutélectric" a fait place à d'autres fonds de commerce depuis. En 2013, c'est ModeMoizelle... Le drame est survenu dans la rue Brunetière (milieu de la photo).

En revenant chez moi, je passais parfois par la rue du Mûrier... Je crois que c’est cette rue qui a vu naître le chanteur (célèbre ?) Jean Pierre Savelli. Vous ne connaissez pas ? "Peter et Sloane"? Oui ? C’est le Peter ! Une famille que nous avons bien connue habitait là. Ils nous l’ont assez répété ! C’était le fils de leur voisin et le "pitchoun" jouait en bas dans la rue...

Hiver 1956. Mon père marchait devant moi d’un pas alerte. Il venait de basculer dans le club des cinquantenaires. C’était loin d’être ma préoccupation principale. Il faisait froid. Je pensais plutôt à réchauffer mes mains gantées de laine, gants que ma mère avait sans doute dû tricoter. Un sac de jute sur l’épaule, il avait entrepris d’aller chercher du bois chez un marchand, derrière le cimetière central. Je me suis proposé de le suivre pour l’aider. A l’âge que j’avais, aurais-je pu faire quelque chose d’utile ?
Une longue trotte et nous arrivâmes. Le bois de chauffage était rare à cette époque. L’hiver 56, tout le monde l’a en mémoire, un froid intense et encore, nous n’étions pas dans le Nord ! Le dos voûté par le poids du sac, "il faisait fatigue" le retour à la maison. J’avais bien pris une bûchette dans mon petit sac plastique pourtant !

J’ai dû déraper...

Je commence à relater les évènements sans préciser le contexte dans lequel ils se sont déroulés. L’environnement est primordial dans la vie de l’individu. La formule "scientifique" qui régit la vie précise que le phénotype, ou comportement de la personne, est égal à son génotype, l'environnement ou milieu dans lequel il vit et l’interaction entre les deux.

Un milieu particulier en ce qui me concerne...